dimanche 23 mai 2010

JCall: Tempête au jardin d’Eden

Au Gan Eden, le quartier réservé aux rois d’Israël et de Juda est un quartier on ne peut plus résidentiel. On sent bien qu’aucun effort n’a été épargné pour redonner à tous ces anciens souverains un confort paradisiaque censé leur rappeler les somptueux palais de Jérusalem et de Samarie.
Le visiteur pourrait être surpris de retrouver ici quasiment toutes les têtes couronnées d’Israël. Il ne manque guère que Jéroboam, qui le premier édifia des temples idolâtres en Terre Sainte et, bien entendu, Ahab, l’assassin de Nabot et des vrais prophètes, adversaire acharné d’Elie et responsable de l’introduction du culte de Baal. Mais son père, Omri, est là parce que, si l’on en croit les actes de son procès post-mortem, il eut le mérite de construire une nouvelle ville en Erets Israël du nom de … Samarie! « En plein territoire occupé, pourtant! On devrait le dire à Obama », avait l’autre jour commenté Rabbi Akiba, ce qui avait fait rire toute l’assemblée! Voici la résidence de Yehoyakim qui, pourtant, alla jusqu’à se faire tatouer le nom de son idole favorite sur le corps et voici celle de Menashé, sauvé sans doute des flammes du Guéhinom par sa tardive mais judicieuse Teshouva! Le Talmud nous avait déjà prévenus: « les rois d’Israël auront tous droit à une part du Monde à Venir ». Sans doute s’agit-il là d’une compensation bien méritée eu égard aux difficultés infernales, c’est le cas de le dire, que rencontrent tous ceux à qui incombe l’impossible tâche de diriger ce peuple indirigeable!
Rien ne semblait devoir troubler la quiétude éternelle de l’endroit lorsque, reconnaissable entre mille, retentit la voix de David fils de Ichay. Pas de doute, c’était celle des mauvais jours: « Schlomo! Schlomo! Peux-tu m’expliquer ce que signifie ceci? » La sagesse du bâtisseur du Temple, de l’homme qui savait parler aux chevaux comme aux lions, était à nouveau sollicitée par son père, comme chaque fois que, sur la terre des hommes, la conduite des enfants d’Israël le mettait hors de lui. Et il faut bien avouer que, ces derniers temps, cela se produisait de plus en plus souvent. « De quoi s’agit-il cette fois », s’enquit le roi Salomon qui, comme tout le monde ici, redoutait les colères de David. Il faut vous dire que les égarements terrestres du peuple juif provoquaient généralement les réactions courroucées chez trois des principaux résidents du Jardin. Deux prophètes et un roi. Lorsque les fautes relevaient du domaine des relations entre le peuple et Dieu, c’était bien sûr le prophète Elie qu’on entendait tonner: « ils ont donc à nouveau profané Ton Alliance », avait-il l’habitude de clamer. Et tout le monde comprenait que le Chabbat venait à nouveau d’être publiquement profané ou qu’une nouvelle et troublante affaire de moeurs venait d’éclater, éclaboussant telle ou telle personnalité politique ou rabbinique en vue. Lorsqu’il s’agissait de manquements envers autrui, c’est Amos qui ne décolérait plus: « ils se remettent à vendre le pauvre pour une paire de sandales! », s’écriait-il alors. Et tout le monde comprenait qu’une nouvelle affaire de corruption faisait la une des journaux ou que le fossé entre les salaires des riches et des pauvres s’était encore scandaleusement accru. Mais si c’était l’auteur des Psaumes lui-même que l’on entendait, c’est que quelqu’un touchait à la Terre d’Israël, osait porter atteinte à son intégrité, mettait en danger la sécurité du peuple ou, pire, bafouait le serment de fidélité obstinément renouvelé, de génération en génération envers sa Cité, envers Jérusalem!
C’est donc avec une certaine appréhension que Salomon tendit la main pour lire le papier que lui tendait son père. « Sauras-tu donc m’expliquer ce que signifie ceci? », répéta-t-il excédé.
- Ah ça ? Mais c’est la pétition du J-Call, dit le plus sage des hommes sur le ton naturel de celui qui cherche de toute évidence à calmer le jeu.
- Je sais lire, dit le roi que la réponse de son fils semblait loin d’avoir calmé. Je te demande de me dire qui sont ces juifs qui se permettent d’appeler les nations du monde à faire pression sur d’autres juifs pour céder ma ville aux arabes?!
Salomon parcourut rapidement des yeux la liste des signataires. « Ce sont des intellectuels juifs parisiens. Je reconnais certains noms, un mélange de doux naïfs et de méchants sournois… Pas de quoi se scandaliser!
- Pas de quoi se scandaliser?! Ecoute ça: « Nous savons que le danger (pour Israël) se trouve aussi dans l’occupation et la poursuite ininterrompue des implantations en Cisjordanie et dans les quartiers arabes de Jérusalem Est, qui sont une erreur politique et une faute morale. » Une faute morale ?! Que des juifs construisent et habitent à Jérusalem? À Beth-Lehem ? A Hevron? Une faute morale ?!
David qui, Salomon était bien placé pour le savoir était né à Beth Lehem, avait été couronné à Hevron et avait fait de Jérusalem sa capitale, venait d’hurler les 3 derniers mots. » Et où est-elle cette Jérusalem-Est ? Je ne connais qu’une seule Jérusalem et elle n’est ni à l’est, ni à l’ouest! Elle est où je l’ai laissée, délimitée par le mont des Oliviers, le mont Scopus et abritant en son sein le Mont du Temple !
-Calme-toi, ils veulent en fait dire qu’en rêvant de Jérusalem, nos enfants ne pensaient sans doute pas à Beth Tsafafa ou à Abou Dis, essaya une dernière fois Salomon de contrer l’orage qui s’annonçait.
-Ah bon ? Et à quelle partie de Jérusalem, songeaient-ils donc ? Au Canyon Malha ?!
Les rois et les princes, les philosophes et les rabbins, les écrivains et les poètes s’étaient prudemment rapprocher pour assister à la scène. David était maintenant hors de lui.
-Je ne l’ai pas vu comme cela depuis le blasphème de Goliath à Azeka, remarqua son ami Jonathan!
Les fils d’Edom et d’Ismaël s’étaient mis d’accord pour exiger d’Israël de céder leur seule et unique capitale et voici que, au lieu de s’unir pour résister à cette formidable pression, certains de ses enfants exigeaient depuis Paris de la redoubler! Et encore osaient-ils le faire en prétendant que c’était pour le bien du peuple qu’il fallait trahir la promesse bimillénaire!
- La Torah sortirait-elle de Paris et la parole de Dieu des bords de la Seine ?! fulmina encore le Psalmiste.
Rabbi Yehouda Halevy, André Néher, Itshak Louria, Shlomo Goren et Motta Gur tentèrent tour à tour de rassurer David en chantant les louanges de la Ville Sainte. En vain.
C’est alors que le bon Rabbi Levy Itshak de Berditchev s’écria :
Majesté ! Ecoutez !
Le jardin redevint silencieux. Tous prêtaient l’oreille à la clameur qui montait de la porte de Jaffa et de celle des Lions. La place de Sion et la rue Ben Yéhouda étaient maintenant noires de monde. Des milliers, des dizaines de milliers de juifs envahissaient les rues de Jérusalem.
- Nous sommes le 28 Iyar, rappela le Rav Kook, qui chaque année, célébrait le même jour l’anniversaire de sa propre Alya et qui avait poursuivi la coutume jusqu’au Gan Eden. C’est le Yom Yeroushalayim !
Le visage de David donna enfin des signes d’apaisement. La foule qui célébrait les retrouvailles avec la Vieille Cité l’avait rassuré. Les intellos de Paris semblaient tout à coup bien loin et bien inoffensifs: visiblement, ils ne faisaient pas le poids.
Alors, dans un sourire, David s’adressa à Jonathan :
- S’il te plait, apporte-moi ma harpe. Je vais les accompagner…
Arrêtez-moi si je dis des bêtises!

Par Rav Elie Kling.

lundi 10 mai 2010

dimanche 2 mai 2010